L’antiquité dans le Cotentin a débuté vers -120 avant notre ère, durant laquelle le Cotentin faisait partie du peuple celte des Unelles en Gaule. L’échec des batailles contre l’armée romaine a marqué cette période gauloise, ce qui a entraîné la soumission de la Gaule à Rome.
Cette période Gallo-Romaine, fut marquée par l’appropriation de la civilisation romaine par les Gaulois avec notamment l’adoption de leurs rites et coutumes. Le témoin principal de cette époque sont les vestiges d’Alauna, situés à Valognes. Malheureusement, la fin de l’antiquité fut une période sombre avec une grande instabilité politique qui a laissé peu de traces visibles de cette période.
Période Gauloise (de -120 à -52 avant notre ère)
À cette époque, le Cotentin fait partie du territoire du peuple celte des Unelles dont le chef se nomme Viridovix. La civilisation gauloise était dirigée par une aristocratie de paysans-guerriers qui gouvernaient leurs terres à partir de camps situés sur les hauteurs, fortifiés par un rempart en terre et un large fossé. De nos jours, les Monts Castre de Montebourg et de Plessis-Lastelle sont les seules traces témoignant de ces camps.
Les campagnes ont été largement défrichées pour accueillir l’agriculture et l’élevage, ainsi que les fermes, qui étaient construites en bois et en torchis et étaient protégées par des fossés.
Epoque Gallo-Romaine (-52 à 180 de notre ère)
Avec une Gaule pacifiée, des réformes sont alors engagées par l’empereur Auguste. Les territoires sont alors organisés et divisés pour permettre leur administration. Les premières grandes villes avec des statuts de chef-lieu sont nées tels que Cosedia/Constantia (Coutances) et Alauna (Valognes). Les agglomérations secondaires se sont aussi multipliées à partir de l’an 50 de notre ère.
Elles étaient destinées à des fins commerciales et artisanales, comme Montaigu-la-Brisette ou portuaires telles que Cherbourg et Portbail.
En même temps que le développement des villes, agglomérations et fermes, un considérable réseau routier a été créé, ce qui a permis de relier et faciliter les échanges sur le territoire.
La principale voie romaine de la Manche partait de Cherbourg (Coriallo), passait par Valognes (Alauna), Coutances (Cosedia), Avranches (Ingena) et allait jusqu’à Rennes (Condate).
La construction de cet important réseau a nécessité la réalisation de conséquents travaux d’édification de ponts ou de gués pour permettre la traversée des fleuves et rivières.
Ces routes étaient signalisées par des bornes milliaires en pierre.
La borne milliaire de Sainte-Mère-Eglise
Ces bornes, ressemblant à des colonnes cylindriques, indiquaient la distance en mile romain (1 mile romain = 1.482Km). Les inscriptions sur les bornes commençaient toujours par une dédicace à l’empereur régnant au moment de la construction de la borne et se terminaient par la distance entre la borne et la prochaine étape de l’itinéraire. Une seule borne milliaire a été retrouvée sur le territoire des Unelles à Sainte-Mère-Eglise, elle mentionne la ville de Crociatonum, cité inconnue dont la localisation reste encore à ce jour mystérieuse.
À cette même période, de grands monuments publics richement décorés, tels que des thermes et des théâtres, ont été édifiés, comme à Alauna (Valognes).
Alauna : Importante ville Gallo-Romaine
Cette remarquable cité a prospéré, pendant 350 ans, de la fin du Ier siècle avant notre ère jusqu’à la fin du 3ème siècle de notre ère. À son apogée, sa surface atteignait 45 hectares où vivaient 3 à 4000 habitants.
Les principales voies antiques desservaient Alauna, ce qui en faisait une cité centrale du Nord Cotentin. La ville apparaît au centre d’une étoile routière reliée par des routes et des chemins qui la connectaient à Cherbourg, Coutances jusqu’à Rennes, Portbail, le Val de Saire (Fermanville, Barfleur et Saint-Vaast-La-Hougue) et Rouen.
La ville avait un schéma géométrique rigoureux qui s’articulait autour de deux grands axes routiers. Son développement s’est structuré autour du forum (centre administratif et politique) et du sanctuaire, situés au cœur de la ville.
Il y avait également des thermes et des domus (grandes demeures majestueuses), le tout organisé selon un quadrillage de rues couvrant une vingtaine d’hectares.
Les principales activités de l’agglomération étaient la métallurgie et l’artisanat, en particulier le travail du fer et du bronze.
Lors de l’agrandissement de la cité, des grandes demeures (domus), le théâtre et les thermes ont été implantés à la périphérie du centre urbain.
Les vestiges visibles de nos jours : L’emplacement du théâtre et les thermes
Le théâtre à gradins en forme de fer de cheval ressemblait à un amphithéâtre. Il était doté de 5 escaliers verticaux, avait un diamètre de 66m et pouvait accueillir 3700 spectateurs.
Les termes, dont les vestiges sont classés monument historique depuis 1862, sont les seuls vestiges antiques conservés en élévation de toute la Normandie. L’édifice d’une surface de 1225m² était symétrique et composé de 6 salles froides (frigidarium) et de 4 salles chaudes (caldarium) ou tièdes (tepidarium). La pente régulière du terrain avait permis de bâtir les pièces chaudes en contrebas. La piscine chaude était composée d’un bassin de 7m30 de diamètre, chauffé par 12 fourneaux de briques.
Les termes avaient une fonction d’hygiène, mais pas seulement, ils étaient également des lieux de rencontre et de sociabilité où la population pouvait bavarder, discuter affaires ou encore se délasser.
Activités économiques locales
À partir de 50 de notre ère, les établissements agricoles ont proliféré de deux manières différentes : soit dans la continuité des fermes gauloises, soit sous forme de grands domaines, les villae. Des traces de la présence de villae ont été retrouvées à Brillevast, Benoistville ou encore Sauxemesnil, où l’élevage, la céréaliculture, le maraîchage, l’arboriculture et la viticulture étaient pratiqués.
Les savoir-faire des Romains ont été rapidement adoptés par les Gaulois, ce qui a intensifié l’émergence de pôles artisanaux tels que potiers, tuiliers, chaufourniers, métallurgistes… Ces productions étaient dispersées à travers le royaume grâce au développement des voies commerciales romaines, ce qui a favorisé l’essor commercial. Les différents sites de fouille ont permis d’établir que les échanges commerciaux se développaient avec le sud, le centre et l’est de la Gaule, mais aussi avec la Rhénanie, la péninsule ibérique ainsi qu’avec l’Afrique et l’île de Rhodes en Grèce. Les amphores, utilisées pour le transport du vin, de l’huile, des condiments…, ont été retrouvées à Portbail, témoignant du voyage de ces denrées à travers l’empire grâce aux voies maritimes tracées par les Romains.
Les pratiques religieuses des Gallo-Romains
Les Gallo-Romains étaient un peuple croyant qui vénérait des divinités gauloises et romaines. La religion occupait une place importante dans la vie quotidienne, et se manifestait à travers des temples publics ou des laraires privés situés au cœur des habitations. De nombreuses figurines en bronze ou en terre cuite ont été retrouvées sur de multiples sites, tels que Cherbourg, Tourlaville, Digulleville, Portbail et Valognes, témoignant d’une production abondante de sculptures et d’offrandes représentant des divinités.
Durant les 3 premiers siècles de notre ère, la pratique de la crémation était prépondérante avant d’être remplacée par l’inhumation dans les rites funéraires.
À Portbail, des inhumations étaient pratiquées et des urnes cinéraires ont été découvertes à Montaigu-la-Brisette et à Avranches.
Ces cérémonies funéraires, auxquelles procédaient les Gallo-Romains, étaient destinées à la survie de l’âme du défunt et la purification des vivants.
Lumière sur la pratique de l’inhumation grâce à la découverte de la nécropole de Portbail
Une nécropole découverte à Portbail a permis d’en savoir davantage sur les inhumations aux 2ème et 3ème siècles de notre ère, grâce à la dizaine de sépulture présentes.
Les pratiques religieuses et funéraires consistaient à habiller le défunt, ainsi qu’à l’envelopper dans un linceul puis des pièces de monnaie en bronze étaient disposées sur les yeux ou dans la bouche des morts, selon le rite grec destiné à payer le passeur des âmes pour permettre au défunt de traverser le fleuve des enfers et atteindre le séjour des morts. Ces défunts étaient ensuite mis dans des cercueils rectangulaires en bois, qui étaient disposés dans une grande fosse avec des offrandes, généralement des vases en céramique contenant des parfums, des boissons ou de la nourriture.
Antiquité tardive : une période sombre (3ème au 5ème siècle)
Cette période à cheval entre l’Antiquité et le Moyen-Âge se décompose en deux parties : l’Antiquité tardive (de la fin du 3ème siècle jusqu’en 476) et l’époque mérovingienne (476-750).
Instabilité politique et insécurité
À partir du 3ème siècle, une grande instabilité politique s’est installée. L’insécurité s’est accrue de manière conséquente en raison des attaques des Francs et des Alamans, si bien que la majorité des villes majeures se sont retranchées et ont bâti des fortifications (castrum), telles que Cherbourg, Coutances et Avranches pour éviter d’être incendiées. D’autres cités comme Alauna et Montaigu-la-Brisette ont commencé à être désertées. On observe également ces désertions dans les campagnes où nombre de fermes et de villae sont abandonnées en partie face au harcèlement fiscal des Romains. Des bandes de pilleurs, formées par des citoyens ruinés ou des esclaves en révolte, ravagent la région. À cela s’ajoutent des raids saxons venus de la mer.
Etonnante épargne, trouvée dans le Cotentin, en vue de jours meilleurs
Dans ce contexte d’insécurité, les habitants ont enterré leurs « trésors monétaires ». Ces monnaies étaient enfouies dans des vases en terre cuite ou en verre dont les sommes allaient de quelques dizaines de pièces à plusieurs milliers.
Depuis, le 19ème siècle, ces enfouissements sont régulièrement découverts dans la Manche. Comme à Saint-Germain-de-Varreville, où un « trésor » de 14 528 monnaies frappées entre la fin du 3ème siècle et le début du 4ème a été trouvé. Il constitue à ce jour, le dépôt le plus volumineux de l’Antiquité mis au jour en Europe.
Fin de l’empire Romain en 476
Au cours du 4ème siècle, les territoires se sont réorganisés et les provinces armoricaines ont chassé les autorités romaines pour se gouverner elle-même.
Avec la fin de l’empire romain en 476, une nouvelle ère a démarré avec l’époque mérovingienne. Clovis, roi des francs, a entamé la conquête de la Gaule mais s’est heurté à l’Armorique. Pour réussir à annexer la province à son royaume, il a négocié et conclu des mariages entre dirigeants francs et élite armoricaine.
Au 5ème siècle, les historiens ont constaté que la population avait considérablement diminué, l’espérance de vie se situait entre 25 et 40 ans et le taux de mortalité infantile était très élevé.
En coordination avec le Pays d’Art et d’Histoire du Clos du Cotentin